Les élections françaises sont toujours intéressantes. Eh bien, non seulement parce que la France est une puissance nucléaire et que la direction de l’UE en dépend : mais surtout parce qu’elle est le berceau du conflit de la réaction et du progrès. Et depuis la Révolution française.
La répartition des forces politiques et idéologiques dans ce pays est un chaudron et un miroir dans lequel bouillonne et se reflète l’évolution de la scène politique européenne. Comme je le répète – peut-être jusqu’à la nausée – la ligne de partage dans le monde d’aujourd’hui n’est pas entre l’Est et l’Ouest, mais entre les forces de la réaction et du progrès, entre le nationalisme conservateur d’un côté et l’universalisme socio-juridique de l’autre.
Le premier, le nationalisme réactionnaire, est toujours, à travers le monde, idéologiquement coloré et puissamment organisé autour d’une religion et d’une église. Je l’appellerais théo-nationalisme. Le second courant, progressiste, est lié à la réorganisation socio-juridique de la mondialisation, qui a en fait pris son essor au cours des deux premières décennies sous une forme néolibérale. La France est le modèle de ce match.
La disparition de la droite d’après-guerre
Regardez comme Marine Le Pen s’épanouit magnifiquement. Elle lie près de la moitié de la citoyenneté française, et pourtant elle n’est l’héritière d’aucune tradition de droite célèbre. Au contraire, son mouvement est celui qui a définitivement démantelé le républicanisme de droite (ce qui a donné à la France de Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac, et même le raté Nicolas Sarkozy). Et il semble qu’il ait aussi définitivement enterré le gaullisme. Son mouvement n’est pas du « populisme ». Je déteste ce terme car c’est un mot vide qui cache la réalité : c’est l’héritier du nationalisme réactionnaire, les variantes françaises du fascisme.
Même son père Jean-Marie Le Pen était un raciste déclaré, diplômé du lycée des Jésuites, monarchiste soutenant l’Action française et collaborateur d’Hitler, le maréchal Pétain. (Il était assis avec un groupe à quelques pas de moi à la table voisine du restaurant parlementaire de Strasbourg, et sa façon de parler ne cachait certainement pas son penchant pour la diffusion des marches musicales nazies.) Ainsi sa propre fille, l’actuelle Marine Le Pen, l’a expulsé du parti (qu’il a fondé) pour avoir déprécié les victimes des camps de concentration.
Mais ce Marine et tout le mouvement sont les héritiers des idées et du champ idéologique de la réaction française. Nationalisme intense, haine de l’Union européenne (parce qu’elle limite la « gloire » de la France, ce qui ne signifie rien d’autre que de vieilles traditions et ambitions impériales) ; admiration pour Trump et encore plus pour Poutine: précisément en tant que modèles de véritable leadership, qui ne met pas en avant les valeurs et les droits universels, mais la lutte intense pour la gloire nationale. (Une curiosité comique est qu’après l’invasion russe de l’Ukraine, elle a fait détruire deux millions d’affiches de l’entreprise de Vladimir Poutine.) Orbán, Salvini, Bannon et enfin notre Boris Kollár sont ses alliés…
La tragédie ukrainienne devrait amener les gauchistes et les libéraux à comprendre que la ligne de lutte ne suit pas l’axe Est-Ouest, mais dans un conflit mondial aigu de la réaction nationale, du théo-nationalisme avec les forces du progrès, des droits humains et sociaux universels .
Et au passage, je voudrais demander à nos idéalisateurs de l’Occident : ce courant d’idées, ces mouvements pro- et proto-fascistes, ne sont-ils pas le produit et le présent de l’Occident le plus contemporain, tant européen qu’américain ?
Déclin de la gauche
Mais un mauvais sort n’a pas échappé même aux socialistes. Ce sont ces élections qui ont montré qu’il ne restait plus rien du mouvement socialiste qui a donné au pays François Mitterrand, le légendaire chef de la Commission européenne Jacques Delors, François Hollande ou le Premier ministre Pierre Mauroy (qui, soit dit en passant, est également venu à Alexandre funérailles de Dubček). Oui, à gauche se trouve aussi Jean-Luc Mélenchon, un dissident du Parti socialiste, et étonnamment réussi à ces élections, il a remporté jusqu’à 20 %. Mais il n’a pas atteint le second tour. Cependant, à mon avis, il a très bien compris que la lutte d’aujourd’hui est une lutte contre le nationalisme réactionnaire. Ses premiers mots après l’élection ont été : (au second tour) pas une seule voix pour Le Pen !
Son évolution personnelle dans le miroir de la guerre russe contre l’Ukraine mérite également l’attention. Au départ, comme une grande partie des gauchistes radicaux, il entretenait une relation positive avec Poutine. Oui, à cause du mantra insensé selon lequel Poutine est une sorte de barrière à l’impérialisme américain. Et il considérait aussi l’OTAN comme son outil. Cependant, après l’attaque militaire, il a qualifié la Russie et plus particulièrement Poutine de responsable de la guerre. Il a soutenu l’aide à l’Ukraine et les sanctions contre la Russie.
Il a littéralement dit : « ce ne sont pas les chars de l’OTAN qui ont traversé et violé les frontières » et « je suis du côté de Zelensky contre Poutine ». Son changement aujourd’hui n’est pas seulement de la rhétorique électorale : en tant qu’honnête homme et socialiste (comme je l’ai connu en tant que collègue au Parlement européen), il a réalisé en toute nudité que le nationalisme conservateur et le capitalisme oligarchique à la Poutine engendrent l’impérialisme avec une nécessité de fer. Et donc la guerre !
Leçons et espoir
Oui, la tragédie ukrainienne devrait conduire à la fois les gauchistes et les libéraux à une compréhension plastique que la ligne de lutte ne se déroule pas sur l’axe Est-Ouest, mais dans un conflit mondial aigu de réaction nationale, théo-nationalisme avec les forces du progrès, universel droits humains et sociaux. Pour la gauche, qu’elle soit plus radicale ou centriste, c’est une connaissance clé qu’elle doit toujours s’opposer au théo-nationalisme et que toutes les forces politiques, y compris les libéraux, sont alliées dans cette lutte.
Parce que la tâche principale est de vaincre le réactionnaire Le Pen au second tour des élections françaises, dont la victoire ouvrirait la porte à une vague imparable de fascisme moderne. Les querelles entre socialistes et libéraux sont d’innocentes polémiques face à ce danger.
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