Il y a deux mois, Emmanuel Macron a réussi à réécrire l’histoire politique française en devenant le premier président depuis Jacques Chirac à défendre son mandat. Dimanche dernier, le président français a franchi une autre étape historique : il est devenu le premier président depuis 2002 à ne pas obtenir une confortable majorité absolue de sièges à la chambre basse de la législature. Seuls deux présidents de la Ve République ont régné un temps à la majorité relative : Charles de Gaulle et François Mitterrand.
Une nouvelle réalité
L’élection, dont le vainqueur est aussi le perdant, signifie un piratage fondamental du programme politique de Macron, avec lequel il a remporté l’élection il n’y a pas si longtemps, une menace pour les réformes prévues et la gouvernance très fluide à laquelle le chef de l’État était habitué. jusqu’ici. Les républicains de centre-droit, les plus proches de Macron, veulent rester dans l’opposition après avoir remporté le combat pour leur survie politique. La Première ministre Élisabeth Bornová devra donc rechercher et négocier un soutien politique pour chaque loi.
Au lendemain de l’élection présidentielle, Macron a déclaré vouloir écouter davantage et gouverner de manière plus consensuelle lors de son second mandat. Grâce à la nouvelle réalité politique, il aura de nombreuses occasions de tenir cette promesse. Il faudra passer d’une atmosphère d’affrontement et de diabolisation mutuelle à une culture de compromis. Cependant, en raison des animosités abyssales des dirigeants individuels, il ne sera pas facile de construire. La situation peut conduire à une crise institutionnelle, au terme de laquelle le président peut user de son autorité constitutionnelle et dissoudre l’Assemblée nationale.
L’élection, dont le vainqueur est aussi le perdant, signifie une perturbation fondamentale des plans politiques de Macron.
Cadrage intentionnel ?
Elle est symptomatique de la manière dont la rhétorique de Macron a évolué vers les extrêmes politiques auxquelles Jean-Luc Mélenchon est également conseillé aujourd’hui. Le parti présidentiel République en marche (LREM) a été créé comme « rempart contre l’extrémisme » pour empêcher l’Association nationale (RN) et Marine Le Pen d’accéder au pouvoir. Avant même les élections européennes de 2019, une cellule interne a été créée au sein de LREM, dont la mission était de créer une stratégie de lutte contre le RN. Pas un seul mot sur les autres forces d’opposition.
Dans plusieurs élections intérimaires, LREM a tenté de réactiver le soi-disant front républicain contre la droite extrémiste. Lors des dernières élections municipales, la formation macroniste a soutenu un candidat d’un autre parti républicain en l’absence de son candidat au second tour, ou s’est retirée de la compétition électorale si cela permettait de bloquer plus efficacement l’extrême droite. Aux élections régionales, Macron a dépassé les électeurs de Mélenchon avec diverses déclarations. Avant même le second tour de l’élection présidentielle, Macron a refusé de mettre Mélenchon dans le même sac que Le Pen. Quand Macron avait besoin des voix de toute la gauche, il ne l’a pas qualifié d’extrémiste. Tout n’a changé que récemment.
Le premier tour des élections législatives a confirmé la présence d’une recomposition politique en faveur de trois pôles principaux représentant trois familles idéologiques : la coalition libérale Ensemble soutenant Macron, la gauche unie sous la forme de la Nouvelle Union populaire, socialiste et écologique (NUPES) et le RN nationaliste. Macron s’adapte au nouveau rapport de force et change de vocabulaire. Il ne qualifie plus le camp de Mélenchon de force de « contestation ». Le RN n’est plus, selon le camp libéral, la seule force « extrémiste ». Il deviendra bientôt clair si l’intense diabolisation de Mélenchon et de la NUPES n’était qu’une pose électorale. Mélenchon et la rare gauche française unifiée détiennent beaucoup de capital politique, ils doivent donc savoir clairement qui reste leur principal adversaire.
Démocratie (non) représentative
Indépendamment du fait qu’il s’agit d’une élection de second ordre pour les Français, l’absentéisme des électeurs est devenu un problème structurel. C’est un phénomène générationnel, où la frustration générale des électeurs s’ajoute à la démission totale des couches les plus jeunes de l’électorat. Jusqu’à 70 % des personnes âgées de 18 à 34 ans ont ignoré le premier tour des élections. Un chiffre alarmant qui indique à quel point l’offre politique reflète la demande et représente les problèmes de cette tranche d’âge.
C’est malgré ou grâce à une non-participation massive que les deux formations politiques les plus pénalisées ont remporté un succès historique. Le résultat, peu probable en raison de la dynamique du système politique jusqu’à présent, peut également être lu comme les électeurs souhaitant que l’exécutif de Macron soit mieux contrôlé face aux conséquences de l’inflation, des problèmes sociaux importants de la population à risque de la pauvreté, les inégalités dans le système éducatif ou les problèmes dans le secteur de la santé. Ainsi, le nouveau parlement sera peut-être plus qu’un simple rouleau compresseur votant entre les mains de la majorité présidentielle.
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