Deux mois après la signature de l’accord franco-allemand, les idées d’Angela Merkel et d’Emmanuel Macron sur l’avenir du projet européen commencent à diverger.

La chancelière allemande Angela Merkel a soutenu lundi 11 mars le plan de réforme de sa successeure à la présidence de la CDU, Annegret Kramp-Karrenbauer. Ils ne correspondent pas tout à fait à la vision d’Emmanuel Macron.

Parmi les points les plus controversés figure la proposition d’un siège européen commun au Conseil de sécurité de l’ONU. Après la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union, la France sera le seul pays européen membre du Conseil de sécurité.

Merkel a qualifié la présidence conjointe de « très bon concept pour l’avenir » qui contribuerait à unifier les voix européennes. Depuis des années, l’Allemagne tente d’obtenir un siège permanent au Conseil de sécurité, où siègent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ses vainqueurs, les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Russie et la Chine.

« C’est un fait bien connu que les Français sont sceptiques quant à un siège européen au Conseil de sécurité », a déclaré Mme Merkel lors d’une conférence de presse avec son homologue letton Krisjanis Karins.

Au lieu de partager les risques, un siège commun au Conseil de sécurité

Annegret Kramp-Karrenbauer, également connue sous le nom d’AKK, a publié samedi un article dans lequel elle plaide en faveur d’une série de mesures visant à une coopération européenne plus étroite. Outre un siège commun au Conseil de sécurité, elle propose la construction d’un porte-avions européen.

Dans le même temps, la nouvelle présidente de la CDU a rejeté certaines propositions de Macron, comme le partage des risques au sein de l’union bancaire ou l’harmonisation de la politique fiscale.

AKK a proposé au Parlement européen d’être basé uniquement à Bruxelles. Elle a qualifié d' »anachronisme » la configuration actuelle, alors que le Parlement est également situé à Strasbourg et à Luxembourg.

L’Allemagne et la France sont traditionnellement considérées comme le moteur de la coopération européenne. En janvier, la chancelière Angela Merkel et le président Emmanuel Macron ont signé un accord de coopération qui, selon les deux dirigeants, devrait donner un nouvel élan à la construction européenne.

Cependant, Macron et Merkel sont également des rivaux politiques lors des prochaines élections au Parlement européen. Le parti de Macron En Marche s’associera aux libéraux de l’ADLE. Merkel fait campagne avec le Parti populaire européen (PPE) conservateur.

Si l’Europe ne partage pas le risque, elle n’avancera nulle part

La chancelière allemande de longue date n’envisage pas de se présenter à nouveau après la fin de son mandat actuel en 2021. Lundi 11 mars, elle a soutenu les points clés de la vision européenne de l’AKK. Le porte-parole de Merkel, Stefan Seibert, affirme que les projets d’AKK « concordent avec les idées de Merkel ».

Kramp-Karrenbauer n’est pas d’accord avec Macron sur la proposition d’un salaire minimum paneuropéen. « L’européanisation des services sociaux et du salaire minimum ne serait pas la bonne voie », estime le favori du nouveau chancelier allemand.

Le porte-parole du gouvernement français Benjamin Griveaux évoque trois points sur lesquels les positions française et allemande ne s’accordent pas. Le premier est un siège au Conseil de sécurité, le deuxième est le salaire minimum et le troisième est le Parlement européen.

La ministre française des Affaires européennes, Nathalie Loiseau, a critiqué plus ouvertement l’Allemagne pour Le Monde.

« Si nous ne partageons pas le risque de crédit, nous n’avancerons nulle part, nous ne changerons rien », estime Loiseau.