Le Pen incarne l’amertume, Macron un aventurier – euractiv.sk

Cynthia Fleury, philosophe politique et psychanalyste, enseigne à l’Université américaine de Paris et à l’Institut d’études politiques (Sciences Po).

Vo défis signé avec d’autres psychanalystes, vous écrivez à propos du Front National : « Cette école de pensée était déjà au pouvoir : c’était sous l’occupation nazie, l’aventure de la collaboration. La victoire de Marine Le Pen aux élections présidentielles signifierait-elle le début d’une dictature en France ?

Si Le Pen est élue présidente et veut avoir les pleins pouvoirs, il lui faut aussi gagner les élections législatives (celles-ci ont lieu en juin, tandis que les élections présidentielles ont lieu en avril et mai – note. rouge.). C’est peu probable.

Mais lorsqu’il obtiendra les pleins pouvoirs, nous nous retrouverons dans une situation très dangereuse. Les idées du Front National sont des idées d’une forte intériorité, qui divisent les Français et limitent fortement la définition de la citoyenneté française. Surtout, il semblerait stase comme disent les Grecs (terme grec ancien désignant les troubles politiques – note rouge.), les foules seraient mobilisées pour dénoncer cet état de fait.

Il est certain que si Le Pen gagne, une majorité de droite sera élue aux élections législatives. Elle se retrouverait en cohabitation, ce qui équilibrerait sensiblement son pouvoir. Elle aurait l’obligation de nommer un Premier ministre issu de cette majorité de droite et non d’extrême droite.

N’y a-t-il pas alors un risque que la France devienne un pays difficile à gouverner ?

Oui, c’est une option pour une gouvernance compliquée.

En tant que tel, Le Pen n’est qu’un personnage parmi tant d’autres. Le problème, c’est qu’elle approuve un certain type de comportement.

Considérez-vous vraiment Le Pen comme une menace pour la démocratie ?

Oui. En tant que tel, Le Pen n’est qu’un personnage parmi tant d’autres. Le problème, c’est qu’elle approuve un certain type de comportement. À partir du moment où il approuve le comportement très éhonté de ses concitoyens français, raciste, discriminatoire, antidémocratique, alors le danger surgit. Soudain, les Français vont se retrouver les uns contre les autres.

Vous avez qualifié les membres du Front national de « partisans de la haine ». Comment appelleriez-vous alors les électeurs qui votent pour Le Pen ?

Personnellement, je n’ai pas appelé ainsi les membres du Front national. J’ai soutenu le texte écrit par l’école freudienne. J’ai souscrit à l’avertissement selon lequel le Front national n’est pas un parti comme les autres et que sa dépréciation est généralement assez dangereuse pour un État démocratique. Bien que la rhétorique officielle du Front national ne soit pas toujours un appel à la haine, des comportements éhontés sont régulièrement reconnus lors des rassemblements.

Les électeurs du Front National votent pour un sentiment de vulnérabilité, d’appauvrissement, d’incertitude culturelle et d’humiliation. Ils ne ressentent ni reconnaissance, ni attention, ni sécurité.

Mais pourquoi vote-t-on pour le Front National ?

Pour diverses raisons. L’amertume a toujours été un vecteur de vote important pour le Front National. L’histoire nous montre où mène l’amertume politique. Les électeurs du Front National votent pour un sentiment de vulnérabilité, d’appauvrissement, d’incertitude culturelle et d’humiliation. Ils ne ressentent ni reconnaissance, ni attention, ni sécurité. Ils ne peuvent pas s’adapter à ce nouveau monde globalisé. Assez traditionnellement, du fait de la légitime défense, apparaît le phénomène de conservatisme et de surprotection. Malheureusement, c’est très banal.

Que pensez-vous du candidat centriste Emmanuel Macron ? Le phénomène Macron représente le renouveau de la politique française, depuis son mouvement En avant ! il bâtit sur les ruines des partis anciens, ou est au contraire un produit actualitésla combinaison de l’information et du divertissement, la superficialité des médias ?

C’est une erreur de penser qu’il ne s’agit là que d’une superficialité médiatique. Mais ce qui est sûr, c’est que Macron fait l’objet d’une grande attention médiatique. Jusqu’à présent, les journaux l’adorent parce qu’il les vend. C’est une figure de la politique-fiction que les Français aiment ou n’aiment pas. Mais ce n’est pas grave, car ils s’intéressent à lui.

Deuxièmement, tous les partis s’épuisent. Macron critique la bipolarité obligatoire de la politique française, que les Français comprennent. Cela leur donne le sentiment qu’il est possible de gouverner à la fois avec la droite et avec la gauche.

Macron s’est lancé dans une aventure risquée. Il a contracté un prêt de campagne. Il quitte assez tôt le poste ministériel pour se lancer subitement dans l’aventure.

Macron s’est lancé dans une aventure risquée. Il a contracté un prêt de campagne. Il quitte assez tôt le poste ministériel pour se lancer subitement dans l’aventure. Il y a une part de courage que les Français apprécieront.

Mais quant au programme, je ne vois pas bien de quoi il s’agit, à part le renouveau du hollandisme. Il s’agit d’un programme social-libéral (central) de base.

Il veut par exemple abolir la journée de travail de 35 heures, ce que le président François Hollande n’a ni promis ni fait.

Hollande est entièrement d’accord avec le programme social-libéral de Macron. Il y a très peu de nouvelles. Macron est nouveau dans la mesure où il ne se considère pas comme un homme politique professionnel. Il s’agit pourtant d’un pur produit de l’establishment français. Ici aussi, sa nouveauté est limitée.

Vous dites que Macron est la continuation du hollandisme. Mais Hollande a dû respecter certains courants de gauche au sein du Parti socialiste, au cours de sa campagne, il a qualifié les financiers d’ennemis. Macron ne dit pas cela, et en ce sens il a plus de liberté.

Hollande a fait campagne beaucoup plus à gauche, c’est pourquoi il a gagné. Ensuite, il n’a pas du tout tenu ses promesses. C’est sans doute pour cela qu’il a dû renoncer à se représenter. Ses partisans lui ont reproché de ne même pas avoir tenté de réaliser son programme.

L’âge moyen de l’électorat français est d’environ 57 ans. À cet âge, on ne vote généralement pas pour Jean-Luc Mélenchon (la France inflexible d’extrême gauche), mais sociologiquement plus pour la droite conservatrice traditionnelle. Vous vous identifiez à Marine Le Pen, mais aussi à François Fillon (candidat Les Républicains de centre droit). Les rassemblements montrent à quel point les gens sont déterminés à voter pour Fillon. Le soutien à Macron est plus éphémère : ses électeurs ne le savent pas avec certitude, ils voteront peut-être pour Benoît Hamon (le candidat du Parti socialiste) ou jetteront un ticket blanc.

N’est-ce pas là un trait typique d’un candidat centriste ?

Oui. Mais c’est exactement pourquoi il est problématique de lui donner un si bon score dans les sondages. Il n’a certainement pas la masse critique pour parvenir à un tel résultat.

La France sera capable d’une relance républicaine. Elle n’est pas préparée à l’expérience dramatique de Marine Le Pen au pouvoir.

De nombreux Français estiment que Macron est le seul rempart contre Le Pen. Êtes-vous d’accord?

Malheureusement non. La France sera capable d’une relance républicaine. Elle n’est pas préparée à l’expérience dramatique de Marine Le Pen au pouvoir. Celui qui arrive en deuxième position (au premier tour) devient président. Mais je pense que ce sera Fillon.

Fillon est troisième dans les sondages. Pensez-vous qu’ils le sous-estiment ?

C’est mon sentiment personnel, je ne suis pas politologue. Cependant, je constate lors des rencontres que le niveau d’engagement de Fillon et de Macron n’est pas du tout le même.

Les Français sont-ils prêts à accepter toutes ses affaires ? Après tout, la transparence et la corruption sont des sujets majeurs dans la politique française.

Les personnes mécontentes des problèmes de transparence sont généralement des électeurs de gauche. Si vous interrogez les électeurs de droite, ils vous donneront une réponse plus complexe. Ils ne sont pas satisfaits, mais ils montreront leur loyauté le jour du scrutin. Ils veulent du changement. Ils ne veulent même pas de l’apparence d’un parti socialiste. Macron est trop à gauche pour eux. Mais Macron pose aussi problème aux partisans de Hamon. Je ne pense pas que le soutien populaire à Macron soit aussi élevé que le montrent les sondages. Mais c’est juste mon sentiment.

Fillon est la suite de Nicolas Sarkozy (2007-2012), en un peu moins social.

Quel genre de candidat est Fillon ? Peut-il être comparé à n’importe quel président précédent ?

Oui. Fillon est la suite de Nicolas Sarkozy (2007-2012), en un peu moins social.

Sarkozy n’a pas aboli la semaine de travail de 35 heures, comme le souhaite Fillon.

Sur la question de l’identité nationale, Fillon ressemble de plus en plus à Sarkozy. Il est soutenu par des associations fondées sur les valeurs chrétiennes et l’introversion nationaliste, même s’il défend l’Europe. En même temps, c’est un régime classique de contrôle budgétaire strict, de libéralisation de l’économie et de suppression de 500 000 postes dans l’administration de l’État, de réforme des retraites, de suppression des 35 heures et de libéralisation du droit du travail. Libéralisme dans l’économie et conservatisme dans la société, mais aussi thèmes nationaux.

Gaspard Pettigrew

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